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Le blog de Jean Roche - BETEN International

L'Ukraine, un géant prometteur mais fragile

16 Mai 2011, 11:23am

Publié par jeanroche

Auteur : Jean François Munster

Publication : le 24/11/2010, Le Soir

 

Cent douze entreprises. Deux cents hommes d'affaires. La taille de la mission économique princière qui s'est envolée cette semaine pour l'Ukraine a surpris les organisateurs et mis en lumière les appétits que ce gigantesque marché – 45 millions d'habitants – suscite chez nos entrepreneurs. Il faut dire que cette mission débarque à un moment clé dans l'histoire de ce pays qui a retrouvé une certaine stabilité politique avec l'élection du pro-russe Viktor Ianoukovitch à la présidence et qui tente de se reconstruire après le désastre de la crise économique de 2008-2009.

Photos-REVOLUTION-KIEV-NOV-2004-018.jpgC'est le pays d'Europe à en avoir le plus souffert : recul de 15 % du PIB, chute de 21,9 % de la production industrielle, dévaluation de la monnaie de 40 %. En cause ? La trop grande dépendance du pays aux exportations d'acier et la faiblesse du marché intérieur, incapable de prendre le relais. « L'économie ukrainienne est extrêmement sensible à la conjoncture mondiale à cause de l'acier, explique l'économiste en chef de la banque d'affaires ukrainienne Astrum, Oleksiy Blinov. Quand l'économie mondiale est bonne, l'économie ukrainienne se porte mieux qu'ailleurs. Mais quand la première va mal, la seconde souffre beaucoup plus que la moyenne. »

La reprise mondiale se traduit déjà dans la réalité ukrainienne. Le pays s'attend à voir son PIB progresser de 4 à 5 % cette année. Mais pour poursuivre le redressement, l'Ukraine a un besoin urgent d'investissements étrangers. Contrairement à beaucoup d'autres pays d'Europe centrale et orientale qui ont attiré des milliards d'euros ces dernières années, l'Ukraine est restée isolée. La Belgique a, elle aussi, boudé ce pays. La présence de nos entreprises y est assez modeste – on en dénombre à peine 120 –, à quelques exceptions notables près comme le brasseur AB Inbev (nº1 du marché) ou Reynaers aluminium (châssis haut de gamme). « Beaucoup d'entreprises se sont installées dans les pays de l'est plus proches ou ont fait le choix d'aller directement en Russie, explique Thomas Leysen, président de la FEB. On a un peu oublié qu'il y avait quelque chose entre ». Cette mission, la première d'un pays étranger en Ukraine depuis la crise, arrive donc à un bon moment.

Si elle veut attirer des investisseurs étrangers, l'Ukraine devra néanmoins faire d'importantes réformes. L'un des principaux problèmes est la corruption généralisée. « Mieux vaut ne pas chercher à nouer des affaires avec les autorités publiques si vous ne voulez pas devoir corrompre, nous confie un homme d'affaires. Les ministres sont des business men à la botte des oligarques qui sont les véritables patrons de ce pays ». Autres problèmes : une bureaucratie extrêmement lourde, une instabilité juridique constante, des tribunaux très peu indépendants et un secteur financier sous-développé. « C'est la Pologne d'il y a quinze ans », soupire un homme d'affaires.Levée de céréales en terre noire de Tchernozium, Ukraine

Mais l'Ukraine, c'est aussi des potentialités énormes. Dans le secteur de l'infrastructure et de la logistique par exemple – le pays est idéalement situé entre Europe, Asie centrale et Russie –, dans l'agro-industrie – grenier à grains de l'URSS, l'Ukraine possède les terres les plus fertiles d'Europe mais la productivité y est faible – et dans l'environnement. Pendant des décennies, le pays a reçu du gaz pratiquement gratuitement de la Russie ce qui ne l'a pas incité à être économe. La consommation énergétique y est 3,5 fois plus élevée que la moyenne européenne. Des investissements sont nécessaires pour améliorer l'efficacité énergétique et pour diversifier les sources d'énergie.

Le pays est d'autant plus intéressant qu'il pourrait un jour faire partie de l'Europe. Bien que le nouveau président Viktor Ianoukovitch ait réchauffé les relations avec la Russie – glaciales sous l'ère du pro-occidental Viktor Ioutchenko – l'adhésion de l'Ukraine à l'Union européenne reste une priorité du nouveau régime. Le chemin à parcourir est encore très long mais le rapprochement avec l'espace économique européen est en marche. Le pays négocie un accord de libre-échange avec l'Union qui pourrait déjà être effectif dès 2012.

Pour le ministre des Affaires étrangères, Steven Vanackere, les sociétés belges doivent s'installer en Ukraine malgré les problèmes de bureaucratie et de corruption. « Parce que ne pas y être à un moment difficile comme aujourd'hui, c'est se condamner à ne pas être là non plus quand les choses iront mieux ».

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